Chapitre 46
Meurtriers d’enfants

Alexei prit les mains de Danielle et d’Alexanne et les fit sortir de la forteresse. Ils firent quelques pas sur la route, puis l’homme-loup se retourna vers les palissades. La terre se mit alors à trembler sous leurs pieds.

— Alex, est-ce toi ? s’alarma la jeune fée.

Les bâtiments se mirent à valser, puis disparurent les uns après les autres dans le gouffre qui venait de s’ouvrir dans le sol. Le trou noir avala tout ce qui se trouvait dans l’enceinte, avant de s’attaquer aux palissades. Paralysées par la peur, Danielle et Alexanne observaient le phénomène sans le comprendre. Lorsqu’il ne resta plus une seule trace de la forteresse, le tremblement de terre prit fin.

— Personne ne reviendra jamais ici, déclara l’homme-loup.

Il tira sur les mains des deux femmes et les entraîna plus loin.

— Qu’est-ce que ma voiture fait ici ? s’étonna Danielle. Et pourquoi monsieur Sonolovitch est-il à l’intérieur ?

— Je ne connaissais pas de façon plus rapide d’atteindre la montagne, répondit Alexanne.

— Heureusement qu’il t’a emmenée jusqu’ici.

L’adolescente jugea préférable de ne pas lui dire que c’était elle qui avait conduit le véhicule. Danielle avait subi suffisamment de traumatismes, ce jour-là. Malgré tout, celle-ci s’installa instinctivement derrière le volant, et Alexanne se glissa sur la banquette arrière, croyant que son oncle la suivrait.

— Alex ? l’appela-t-elle en voyant qu’il restait dehors.

— Rentrez chez Tatiana, déclara-t-il. J’ai besoin de marcher.

— Après tout ce que Frédéric t’a fait ? s’étonna Danielle.

Ne désirant pas se quereller avec elle, l’homme-loup pivota sur ses talons et s’enfonça dans la forêt.

— On dirait bien que certaines choses ne changeront jamais, soupira Alexanne.

— Est-il blessé ? s’inquiéta la travailleuse sociale.

— Non, mais il est infiniment triste.

— Peux-tu me dire pourquoi ?

Alexanne tenta de sonder son âme jumelle, mais n’y parvint pas.

— Il me ferme une fois de plus son cœur, regretta-t-elle.

— Faites ce qu’il dit, l’appuya Valéri.

Danielle les ramena donc chez la guérisseuse, où le reste du groupe fêta leur retour. Pendant ce temps, Alexei suivait l’un des nombreux sentiers qui sillonnaient la région. Il ressentait sa soudaine rupture avec l’âme de sa nièce comme une blessure encore plus douloureuse que la lame du poignard qui avait pénétré sa chair. Il ignorait si Alexanne subissait le même choc que lui, car il ne pouvait plus discerner son énergie parmi celle, des autres habitants de la région.

Plongé dans le deuil, il avait cessé de penser au Faucheur, à la secte et aux années de souffrance qu’il y avait passées. Il marchait instinctivement en direction de la maison de sa sœur, qui pourrait sans doute lui expliquer ce qui se passait en lui. C’est alors qu’il entendit des gémissements aigus. Ayant passé une partie de sa vie dans la nature, il était capable de distinguer les cris des animaux qui habitaient la forêt. Il s’immobilisa et tendit l’oreille.

— Ne me faites pas de mal… hoqueta une petite voix.

Alexei utilisa immédiatement ses sens invisibles pour la repérer, puis fonça entre les arbres. Il déboucha sur une clairière, où était garé un curieux véhicule qui ressemblait à une maison sur roues.

— Je fais ça pour ton bien, Émilie, fit une voix lointaine.

 

* * *

 

Les voitures de patrouille se suivaient sur la route qui descendait de la montagne. Assis près de Mélissa, Christian avait fermé les yeux, en proie à une grande fatigue. Sa compagne était persuadée qu’il s’était endormi lorsque soudain, il se raidit comme s’il était victime d’une crise cardiaque.

— Arrêtez la voiture ! s’écria le policier.

— Qu’est-ce que tu as ? s’énerva Mélissa.

— Arrêtez !

Le conducteur freina, immobilisant le convoi.

— Ouvrez-moi la portière ! continua à hurler Christian.

Mélissa crut qu’il avait peut-être envie de vomir et insista elle aussi pour qu’on le laisse sortir. Au lieu de se plier en deux pour soulager son estomac, l’inspecteur fonça inexplicablement dans la forêt.

— Christian ! le rappela Mélissa.

Voyant qu’il ne s’arrêtait pas, elle fit signe aux policiers, qui étaient eux aussi descendus de voiture, de la suivre et pourchassa son collègue en continuant à crier son nom. Toutefois, Christian ne l’entendait plus, une vision lui était apparue quelques minutes plus tôt. Les scènes qui avaient défilé dans son esprit étaient si réelles qu’il n’avait eu d’autre choix que de faire stopper la voiture.

En suivant le sentier au pas de course, il s’étonna de reconnaître les lieux auxquels il venait tout juste de rêver, « Elle n’est plus très loin, maintenant », se surprit-il à songer. D’autres images surgirent alors devant ses yeux, et il vit clairement le visage de la tueuse en série qu’il traquait depuis de longs mois !

« Mais qu’est-ce qui m’arrive ? » s’alarma le policier, incapable de s’arrêter. Il ignorait qu’une blessure infligée par un sorcier pouvait aussi bien causer des hallucinations, que transmettre certains pouvoirs magiques à sa victime…

 

* * *

 

Alexei s’arrêta devant un curieux spectacle. Une femme d’une quarantaine d’années avait ligoté une fillette sur une vieille chaise en bois et caressait ses cheveux. La petite pleurait à chaudes larmes, comme si elle allait être punie.

— Est-ce ta mère ? se hérissa l’homme-loup.

L’étrangère fit volte-face. Elle tenait entre ses doigts un fil de matière transparente semblable à celui de la canne à pêche de Matthieu.

— Ce n’est pas ma mère ! hurla alors l’enfant.

— Je suis sa tante, et elle est sous ma garde, expliqua la femme avec un sourire contraint.

— Ce n’est pas vrai !

— Détachez-la, gronda Alexei avec un air menaçant.

— Je vous prierais de vous mêler de vos affaires, monsieur, sinon je me verrai forcée d’appeler la police.

— Ce ne sera pas nécessaire, répondit une autre voix d’homme. Elle est déjà ici.

Christian émergea de la végétation et sortit son insigne de ses poches en tremblant. Même s’il faiblissait à vue d’œil, l’inspecteur remarqua ce qu’elle tenait entre les doigts. Toutes ses jeunes victimes avaient été étranglées avec du fil de pêche…

— Je vous arrête pour les meurtres de Mélanie Borduas, Benjamin Pelchat, Jonathan Brousseau, Geneviève Robert, Elisabeth Thibault, Juliette Lambert, Jean-Pascal Besson, Raphaëlle Fortier, Vincent Campbell, Emma Nadeau et Mathilde St-Amant. Vous avez le droit de garder le silence. Si vous choisissez de parler, tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous devant un tribunal.

Le policier ne voulait surtout pas montrer à la suspecte qu’il était sur le point de s’évanouir. Heureusement, Mélissa arriva près de lui en compagnie du capitaine Dupéré et de quelques hommes.

— Vous avez le droit de consulter un avocat et de demander à ce qu’il soit présent lors de votre interrogatoire, poursuivit-elle.

— Je n’ai rien à me reprocher, déclara fièrement l’étrangère.

La suspecte recula lentement vers la forêt, dévoilant la fillette attachée derrière elle.

— Elle voulait aussi tuer cette petite, indiqua Alexei.

La femme tourna les talons et détala. L’homme-loup n’eut qu’à lever la main pour la faire tomber la tête la première dans les fougères, où les policiers s’empressèrent de lui passer les menottes.

— Je pense que nous avons trouvé le motorisé, Pelletier, indiqua Mélissa.

— Et la suppléante.

Christian commençait à voir des étoiles, alors ses collègues le ramenèrent à la voiture de police, tandis qu’Alexei détachait l’enfant. Émilie lui sauta dans les bras et s’accrocha à lui comme un chaton effrayé. Il la transporta donc lui-même jusqu’au convoi et la persuada de laisser les policiers la ramener chez elle. Quant à lui, l’homme-loup poursuivit sa route à pied.

 

* * *

 

Lorsqu’il ouvrit les yeux, Christian se trouvait dans une salle d’examen de l’hôpital de Saint-Jérôme. Il battit des paupières et finit par distinguer les traits du médecin qui le traitait.

— Comment vous sentez-vous, monsieur Pelletier ? demanda-t-il.

— Pas très bien, pour tout vous dire.

— On m’a dit que vous aviez été poignardé. J’ai bien trouvé du sang sur vos vêtements, mais aucune blessure infligée par la lame d’un couteau.

— Quelqu’un m’a traité sur place.

— J’ai jeté un coup d’œil à votre dossier médical.

— Ça recommence…

— Vous avez été soumis à un grand stress dans le cadre de votre travail, ces derniers temps.

— Ce n’était pas une hallucination.

— Je vais vous prescrire des calmants et une longue période de repos.

Christian voulut s’asseoir, mais le médecin l’obligea à rester couché. Sans avertissement, il planta une seringue dans son bras.

— Mais que faites-vous là ?

— Je vous administre votre première dose, évidemment. Nous allons vous garder sous observation, cette nuit.

— Non, je veux retourner chez moi…

Le médecin fit entrer Mélissa. La jeune femme vint aussitôt serrer la main de son collègue dans la sienne.

— Je ne veux pas recevoir de drogue…

— C’est seulement pour te faire dormir.

Mélissa l’embrassa doucement, mais il avait déjà sombré dans le sommeil.

 

Le faucheur
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